Sociologue, spécialiste, entre autres, de la diversité, Michel Wieviorka, 63 ans, est directeur d’études à l’Ehess (Ecole des hautes études en sciences sociales).Comment des Français d’origine algérienne, dont certains n’ont jamais mis les pieds dans ce pays, peuvent-ils éprouver un tel engouement pour l’équipe d’Algérie ?
Michel Wieviorka. C’est la combinaison d’au moins deux phénomènes.
Le premier, c’est qu’il est plus facile aujourd’hui avec Internet et les paraboles de conserver un contact imaginaire fort avec le point de départ. Le second répond à une logique d’exclusion. Le regard de la population française sur cette partie de la population française dont l’intégration s’est parfois mal faite, qui peut connaître le racisme et les discriminations et qu’on continue d’appeler « immigrés », exprime souvent du rejet. Si on vous dit à longueur de journée : « Vous êtes différent, vous n’avez pas entièrement votre place dans la société, il arrive un moment où vous vous dotez d’éléments identitaires qui permettent de résister au mépris. »
L’histoire douloureuse entre la France et l’Algérie peut-elle aussi expliquer cette réaction ?
Sans doute.Quand un jeune Français d’origine algérienne affiche un drapeau algérien, il y a cette dimension de renversement des anciennes dominations. Il se dit : « Je mets fin au rapport colonial, je montre clairement que l’ancienne colonie est indépendante. » Le message est aussi social : « On a été exploités dans les usines mais on joue au football aussi bien que les autres. »
A quoi ces jeunes s’identifient-ils ?
Il s’agit d’une identification à l’équipe de foot d’Algérie, pas d’une identification à l’Algérie telle qu’elle est... C’est la fierté de pouvoir dire : « Le pays d’où viennent mes parents a des éléments capables comme en Europe de participer à une Coupe du monde. » La dérive, c’est quand il y a de la violence. Et après la violence, du repli sur soi et des logiques communautaristes.
Peuvent-ils prendre fait et cause à la fois pour les Tricolores et le onze algérien ?
Evidemment, le patriotisme n’est pas exclusif. L’un n’empêche pas l’autre. Il y en a beaucoup qui se sentent concernés par les deux équipes.
(SOURCE=LeParisien)
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