Pour le politologue et chercheur au Centre d’études de la vie politique française (Cevipof), Dominique Reynié, le FN, «parti protestataire, antilibéral et nationaliste», peut connaître encore de beaux jours à la faveur de la crise économique, malgré le conflit interne provoqué par l’approche de la succession de Jean-Marie Le Pen, son fondateur.
Le FN peut-il rebondir aux prochaines européennes ?
C’est difficile à dire. Mais, il est clair que, dans les temps actuels, il conserve un logiciel très efficace dans un contexte, par ailleurs, plus concurrentiel. Le sarkozysme lui a certes pompé de l’oxygène, et la structure frontiste n’a pas su organiser l’après-Le Pen père. Ce qui est le propre de ce genre de formation politique. Le Pen parle et tant qu’il parle, il empêche toute succession. C’est une phase de recomposition. Mais il serait dangereux de confondre ces difficultés temporaires avec l’extinction de cette offre politique. Elle a encore de l’avenir. Le Pen est servi par le contexte, mais il n’en tire aucun profit puisqu’il est en fin de carrière. Plus nous irons vers cette globalisation et cette économie compétitive, combinée au vieillissement de la population européenne et au recours à l’immigration, plus la contestation profitera à Le Pen plutôt qu’à la gauche de la gauche. La gauche radicale est verrouillée sur une posture de refus d’un discours identitaire et national qui freine son expansion auprès des classes populaires.
Que reste-t-il aujourd’hui du Front national ?
Le FN est un parti protestataire, antilibéral, nationaliste et xénophobe. Il reste le seul à combiner ces trois éléments. Il faut donc être prudent quant à son avenir. La gauche de la gauche le concurrence sur le terrain protestataire et antilibéral, mais personne ne vient disputer au FN le nationalisme. Face à la globalisation de l’économie, la tentation du repli sur le cadre national est grande dans les catégories de population les plus fragilisées par cette globalisation, c’est-à-dire l’électorat populaire. Les autres partis protestataires qui conservent des références transnationales se trouveront en difficulté face aux couches populaires. Pas le FN. En ce sens, la crise le sert.
Après Le Pen père, le FN va-t-il se normaliser et devenir un renfort de l’UMP ?
On peut imaginer qu’effectivement la stratégie de Marine Le Pen sera d’aller vers l’UMP, vers la construction d’une offre d’alliances. Le FN pourrait passer d’une ère de protestation à une ère d’exercice du pouvoir. Je vois mal Marine Le Pen passer sa carrière dans la protestation. Dans une société qui glisse à droite, si le FN cherche à maintenir l’écart avec la droite de gouvernement, il devra faire de la surenchère au risque de se marginaliser.
(Source = Libération )
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