Il y a un an, Omar Ba, Sénégalais de 29 ans, racontait son périplevers l'Europe dans dimanche Ouest-France.
Aujourd'hui, il publie un plaidoyer pour décourager les « candidats au suicide atlantique » et supplieles Africains de rester au pays.
Aujourd'hui, il publie un plaidoyer pour décourager les « candidats au suicide atlantique » et supplieles Africains de rester au pays.
Le visage d'Omar Ba est incroyablement mobile. En une fraction de seconde, il varie du rire enthousiaste à la fermeté de celui d'un homme qui veut convaincre : « J'ai vu trop d'Africains mourir pour un Eldorado qui n'existe pas ! C'est ma responsabilité d'ancien clandestin de le dire. » Plus sérieux, encore : « Je sais que mon message peut être récupéré par des nationalistes. Mais ce n'est pas à eux que je m'adresse. »
« Trop tard ! », c'est déjà fait, commente goguenard, un Internaute de Français de souche. Ce site Internet, où discutent de pseudo-nouveaux idéologues d'extrême droite, a publié une chronique sur le dernier ouvrage du Sénégalais. Omar Ba ignore ces provocations. Il est sévère avec tous les politiciens : les dirigeants africains qu'il accuse d'avoir laissé le sujet de l'immigration aux Européens, les élus de l'Union européenne et leur Pacte signé en octobre qui contient « des clauses inacceptables. »
Omar Ba, à peine 30 ans, parle au nom de l'expérience. Il est né à Touba Beycouck, village de brousse créé en 1914, près de Thiès, pour isoler les lépreux. De la maladie de ses ancêtres, il n'a aucun stigmate, si ce n'est le ressentiment « d'avoir été considéré comme un paria » par les citadins de Dakar.
Ses études ne feront qu'internationaliser ce sentiment d'injustice. « Un de mes professeurs a tracé une grande ligne entre le Nord et le Sud. Nous avions visiblement la malchance de naître dans les pays pauvres. » Omar Ba l'affirme : « L'école publique africaine est une fabrique à clandestins. Les jeunes y sont victimes d'une désinformation qui les amène à considérer l'Occident comme une terre qu'il faut absolument fouler pour réussir sa vie. »
Ce goût de l'Europe s'épanouit dans les familles. « Ce sont elles qui poussent leurs fils sur la route, paient les passeurs. Un véritable système, dénonce-t-il. Les familles brandissent ensuite les sommes reçues d'ailleurs qui témoignent de la 'richesse' de leur rejeton. »
Voilà pourquoi et comment Omar Ba s'est retrouvé à 20 ans, en septembre 2000, dans une pirogue, direction les Canaries. « Les morts déshydratés que l'on jette par-dessus bord pour alléger la barque », « la soif dans le désert », « les passages à tabac de la Gendarmerie royale marocaine », « les fils barbelés électrifiés » des enclaves espagnoles Ceuta et Mellila, l'espoir, toujours, qui le pousse à tenter encore par les côtes libyennes... Le Sénégalais a confié cette odyssée infernale dans un livre témoignage, en 2008. Soif d'Europe a eu un retentissement médiatique, dont il profite aujourd'hui pour décourager « tous les candidats au suicide atlantique. »
« J'ai vu trop d'Africains mourir »
Ses cours de sociologie - à l'École des hautes études de sciences sociales, à Paris - l'aident à structurer un discours nouveau pour démonter l'Eldorado. « Il y a des SDF qui meurent de froid en France, des vieux isolés, des salariés stressés qui prennent des antidépresseurs et plus aucun débouché. Vous, vous le savez, nous indique-t-il. Mais les immigrés qui rentrent en Afrique pour les vacances taisent leurs conditions de vie et les médias, Internet, véhiculent une image fantasmée de l'Occident. »
Selon lui, beaucoup d'immigrés souffrent en silence. Il prend l'exemple de Diaw, arrivé à Paris dans les années 1980. Âgé et fatigué aujourd'hui, il cumule deux boulots et doit vivre « dans une chambre de bonne louée par Emmaüs » pour réussir à envoyer une partie de son salaire au pays. Omar Ba n'hésite pas à qualifier « d'otages » ces immigrés qui « s'endettent sous la pression ».
Son discours ne passe pas toujours. Récemment invité par Africa N°1, la radio des Africains de Paris, le Sénégalais a été pris à partie par un auditeur qui l'accusait de traîtrise à la cause africaine, pour rester poli. D'autres « frères » l'ont aussi jugé « afro-pessimiste ».
C'est pourtant cette « soif d'Afrique » qui le pousse à se faire le relais d'un mouvement amorcé sur son continent. Dix ans après les premières pirogues, des mères, qui ont perdu un fils en mer, luttent maintenant contre ce fléau. C'est le cas de Yaye Bayam Diouf, cette Sénégalaise qui s'était écroulée en pleurs dans les bras de Ségolène Royal, en 2006. Elle a motivé, depuis, 375 femmes en deuil. Au Cameroun, c'est le musicien Donny Elwood qui interpelle la jeunesse avec son association Pygmoïd. Au Burkina-Faso, Miriam Samaké Téné tente de fédérer ce combat avec Replic, le Réseau panafricain de lutte contre l'immigration clandestine.
Cette Burkinabé mise « sur une jeunesse qui veut que son continent devienne un exemple de réussite dans le monde ». Comme Omar Ba, qui, sa thèse sur les normes éducatives en poche, rêve de rentrer au pays « pour travailler à de nouveaux programmes scolaires. » Un vieux dictateur est mort, une jeunesse se met en marche. Bientôt, tukki cii yoon, « voyager légalement » comme les Occidentaux (en wolof) sera possible.
(Source= Ouest France )
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