Ca devait être une fête. Ça s'est terminé en violences." Devant les restes de la kermesse, au coeur du quartier des Tarterêts, à Corbeil-Essonnes (Essonne), Maiza Farida ne cachait pas sa tristesse et sa colère, peu avant minuit, dimanche 28 juin. "Il y avait 400 personnes, des vieux, des enfants. Les policiers ont fait un contrôle, ils ont été pris à partie et se sont mis à tirer des grenades lacrymogènes. Ça a été la panique", raconte cette élue municipale. Selon plusieurs témoins, les CRS ont tiré de très nombreuses grenades lacrymogènes en direction de la foule. "Les jeunes étaient vers le haut. Nous, on était sur la place. Mais c'est vers nous qu'ils ont tiré", explique une mère de famille, qui a rempli un "grand sac poubelle" avec les restes des grenades.
"Ce tranquille espace de convivialité s'est transformé en dix minutes en scène de guerre", note un autre témoin, Jacques Picard, représentant des Verts à Corbeil, en dénonçant la "présence permanente et obsédante" de la police. De son côté, une source policière évoque une interpellation qui se serait mal passée, puis l'attaque des fonctionnaires par 50 à 60 jeunes, justifiant une riposte "défensive". C'est dans ce quartier que deux CRS avaient été grièvement blessés après avoir été agressés par une vingtaine de personnes en septembre 2006.
Depuis avril, la cité a connu au moins cinq week-ends de violences avec caillassages des forces de l'ordre. Y compris samedi 27 juin, où des policiers et des pompiers ont été victimes de jets de projectiles. "Les tensions sont permanentes. Avant, c'était la nuit ou le week-end. Maintenant, c'est tous les jours, même l'après-midi", ajoute Maiza Farida. Pour dénoncer des méthodes policières qualifiées d'"agressives", les habitants ont improvisé une marche de protestation vers le commissariat. Entre 200 et 400 personnes ont participé au rassemblement, sans incident.
"C'est la première fois, en quinze ans, que je vois une telle mobilisation", note Bruno Piriou, conseiller général (PCF) du secteur. Ces violences interviennent dans un contexte local très délicat. D'abord parce que la mairie de Corbeil-Essonnes va être gérée pendant l'été - traditionnellement difficile dans cette commune - par une délégation spéciale du préfet chargée de remplacer le maire sortant, Serge Dassault, déclaré inéligible, avant l'élection d'un nouveau maire en septembre.
Ensuite parce que la ville expérimente, depuis quelques semaines, la mise en place, voulue par le ministère de l'intérieur, des unités territoriales de quartier (UTEQ), censées rapprocher habitants et policiers. Comme à Villiers-le-Bel (Val-d'Oise), qui connaît un regain de tensions depuis deux mois, ou à Mantes-la-Jolie (Yvelines), où une centaine de jeunes s'en sont pris aux forces de l'ordre samedi 27 juin, ces nouvelles UTEQ provoquent de vives tensions.
DES GROUPES TRÈS ORGANISÉS
Des incidents ont également eu lieu pendant le week-end dans des quartiers sensibles de Vauréal (Val-d'Oise), où une trentaine de jeunes ont caillassé des gendarmes après une interpellation, et de Limoges, où des affrontements ont opposé policiers et jeunes après une décision de justice.
Mais les violences les plus graves ont été signalées, samedi 27 juin, à Temblay-en-France (Seine-Saint-Denis) où des dizaines d'assaillants ont attaqué les forces de l'ordre. Utilisant des "mortiers" de feux d'artifice, ces groupes ont visé les fonctionnaires par des tirs tendus. "Il y a peut-être eu une centaine de tirs. En prévision du 14 juillet (où les affrontements de ce type sont fréquents), certains ont constitué des stocks de mortiers", explique une source locale.
"Même s'ils sont interdits à la vente, ça n'est pas très compliqué de s'en procurer. Pour 25 euros, ils achètent deux tubes de mortiers qui permettent de tirer six coups chacun", ajoute notre interlocuteur. La police évoque des groupes de jeunes très bien organisés, certains d'entre eux étant ravitaillés par scooters.
(Source= Le Monde )
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